INSTITUT OPHÉLIE

Sous la plume de Nathalie Garraud et Olivier Saccomano, l’Ophélie Shakespearienne va traverser le 20^ème siècle et engendrer plusieurs figures libres. Des femmes archétypales qui vont voyager sans bouger dans un tourbillon d’images et de paroles depuis la fin de la Grande guerre jusqu’à l’heure de #MeToo, tour à tour maman ou putain, incarnées par des actrices étourdissantes. Dans ce ballet-théâtre orchestré avec une précision métronomique, on croise Virginia Woolf, Rosa Luxembourg, Camille Claudel ou encore Marylin Monroe… 

Lorsque Ophélie prend la parole à l’acte IV d’Hamlet, c’est tout un monde que la jeune femme engloutit avec elle avec un aplomb insoupçonné. Claudius et sa cour sont pris de stupeur : celle qui devait épouser un destin tout tracé ose se délivrer de ses chaînes ! Institut Ophélie érige ce personnage en modèle puissant pour éclairer la condition féminine des décennies passées. Telle une cheffe d’orchestre-prêtresse qui voudrait tout dynamiter, Ophélie donne vie à une succession de tableaux qui, de l’avortement au combat politique en passant par le domestique, mettent en lumière les mécanismes d’oppression qui pèsent sur les femmes et les différentes institutions – famille, nation, marché – qui les menacent. Avec, toujours, en toile de fond, ces hommes, multiples et variés, qui veulent les faire rentrer dans le rang lorsqu’elles osent en sortir. La parole et les corps sont puissants, la pièce nourrie de références intellectuelles et esthétiques : un théâtre engagé qui dépasse la vision onirique des peintres John Everett Millais ou Odilon Redon pour accoucher d’une Ophélie vénère qui sort du cadre de l’histoire. Moins folle, mais plus rebelle… plus que jamais lucide, active et vivante !